Éloïse Canard
TALM-Le Mans, 2025
DNSEP Art
Admise avec une mention pour la qualité des productions
Mon travail naît de la main, du fil, du ventre. J’y crée des petits êtres, fragiles, un peu tristes, toujours vivants. Je les nourris, je les soigne, je les éventre parfois. D’autres fois, je les laisse mourir. À travers eux, je parle de solitude, de liens, de survie. Je parle de ce qu’on donne, de ce qu’on arrache aussi, pour tenir debout.
Le fil, les graines, la chair textile sont mes matières premières, mais aussi mes outils de soin, de réparation, de confession. Des matières sensibles, organiques, comme des voix intérieures. Mon univers est un exutoire : celui de mes révoltes, de mes douleurs, de mes colères mais aussi de mes tendresses maladroites.
J’ai commencé par créer des choses molles. C’était plus simple que les gens. Des petits êtres en mousse, en crochet, en couleurs. Ils ne parlaient pas ou pas fort. Ils n’avaient besoin que de peu : un peu de place, un seau d’eau, parfois un congélateur. Mais ils ont grandi. Ils ont commencé à vivre. Et moi, j’ai commencé à leur parler. Peut-être trop.
Ces créatures sont mes enfants. Des naissances symboliques, libératrices. Elles deviennent peu à peu un langage à part entière, un théâtre de l’intime à mi-chemin entre conte surréaliste, performance plastique et sculpture vivante. Chaque pièce est une émotion incarnée, un secret chuchoté au creux de la matière.
Et surtout, je travaille avec mon humour et mon sarcasme qui occupent une place essentielle dans mon travail. Ce sont des outils de décalage, de mise distance, mais aussi de survie. Ils me permettent de parler de sujets lourds avec une forme de tendresse grinçante. Le sarcasme agit comme une carapace légère : il protège, il provoque, il fait rire parfois, mais il ouvre surtout des brèches de réflexion. En mêlant le grotesque au fragile, le drôle à l'émouvant, je cherche à créer une communication indirecte, plus libre, où chacun peut se reconnaître sans se sentir exposé.