Concert de Roland Cahen et Alexandra Radulescu
Musique cinétique de Roland Cahen avec des images en temps réel de Alexandra Radulescu.
kinetic design
Étude concertante de musique cinétique. Un corps mobile dématérialisé, multiple, sans contour, sans référence au corps humain.
"À la recherche d’une musique plastique, sans référence visuelle.
Depuis le début des années 80, à la recherche d’une musicalité propre à la spatialisation sonore, j’explore les relations du son avec l’espace à travers différentes formes. Ces recherches m’ont amené à réaliser des ouvrages électroacoustiques dans les domaines de la navigation sonore, de la muséographie, de la conception de dispositifs, du design sonore et de la musique de concert. Mes recherches et mon enseignement portent également sur ces questions. Mon rêve de musique cinétique est de produire des ballets de sons dans l’espace de diffusion sonore. Mais en imaginant cela, je projette malgré moi un schème visuel sur une perception auditive qui éloigne de l’expérience recherchée. Pourtant, l’oreille est bien sensible à des phénomènes sonores spatialisés qui lui apportent des indices de provenance, des sensations d’étendue, de singularité ou de diversité. À un certain moment, l’espace sonore semble même prendre corps, chaque zone, position, direction acquiert une épaisseur et prend forme. Comment ‘faire musique’ de ces sensations ? Faut il les collectionner ces effets et les classer selon des catégories perçues, comme Pierre Schaeffer, faut-il au contraire spéculer sur la forme au risque de prendre les concepts pour la réalité ressentie ? Comme la musique joue des relations de ressemblance et de différence entre les sons, la musique cinétique entend faire musique des relations spatiales entre les sons. La plupart des recherches sonores dans le domaine de la spatialisation et du son 3D tombent dans le travers d’assimiler le son à un objet visuel ou graphique ; et in fine échouent à produire l’effet attendu, autrement dit ne parviennent pas à tirer parti des particularités de l’audition spatiale pour en faire musique. D’où mon exploration néo-constructiviste partant du ressenti.
Malgré tout, les sons cinétiques, ces fantômes tangibles, ces simulacres de corps mobiles sont fragiles. Selon le dispositif d’écoute, l’interprétation et l’intention d’entendre, les effets sont atténués ou renforcés. On aimerait bien disposer d’un étalon musical valable quel que soit le contexte. L’approche habituelle postule donc la primauté de la position absolue des sources sonores virtuelles dans l’espace. Néanmoins, peu convaincu de la pertinence de cette approche, je préfère une méthode à ma portée, utilisant le format octophonique de la même manière que la musique électroacoustique a traité la stéréophonie. Ainsi je compose mes éléments sonores intrinsèquement animés, puis les assemble sur un dispositif de 8 enceintes. Enfin au concert, ces 8 pistes sont remises en forme dans l’espace réel sur un dispositif adapté à la salle et contrôlées à la console. In fine, la position absolue des sons importe moins que leurs relations dans l’espace. Le projet adopte une approche design en déployant des propositions formelles au service de l'expérience musicale cinétique."
Roland Cahen
NanOBalad
Nano est une Balade, c’est à dire une promenade où l’on côtoie des nuées. Une ballade, chanson de geste, balancée au temps des nanos - la grammaire à déjà zappé un l. Nan (Not a number = opération invalide en informatique).
La musique a un corps, le saviez vous ? Un corps immatériel, invisible, impalpable, furtif.
Et si la promesse de la spatialisation n’était pas d’immerger l’auditeur ou de promener les sons, mais de rendre corps à la musique, un corps musical qui résonne avec le notre ? Comme la musique est composée de relations de continuités et de différences entre les sons, une véritable musique cinétique compose les relations entre les figures spatiales sonores ; identité, contrastes, variations. Autrement dit nous assistons à la naissance d’un langage musical de l’espace. Un peu comme la chorégraphie, mais avec un corps beaucoup moins circonscrit que le corps humain ; corps pluriel, fluide, aux matières et aux masses variables, rythmé, topophonie ou espace temporel.
Depuis les années 80, j’ai travaillé sur ces questions, tout d’abord avec le collectif Espace Musical puis au Studio Delta P et dans mes projets musicaux. Mon format préféré est l’Octophonie. C’est à dire 8 voies, ce qui n’empêche aucunement de diffuser sur des dispositifs plus importants, techniquement accessible car la plupart des appareils sont calés sur ce nombre de piste.
Rotations II (commande du GRM en 2006) est pour moi une pièce manifeste. Elle a été suivie par d’autres comme COUNTBASIS (commande de l’IMEB 2009) et aujourd’hui NanoBalad. Chacune de ces œuvres tente d’explorer une figure particulière de l’espace : rotation, les mouvements circulaires, temporels et spatiaux. COUNTBASIS, le comptage à base variable d’envois d’évènements dans les voies…
NanoBalad explore la matière à grain très fin, sons de granules, poudre, fluides. Les formes qui en ressortent sont des nuées, des nuages, vagues ou traces. J’ai utilisé des techniques de spatialisation granulaire mais également du simple bruit blanc filtré. Mais mon utilisation des procédés de spatialisation n’est jamais unique, je préfère utiliser en contrepoint différentes méthodes pour approcher d’une orchestration de l’espace. C'est une pièce orchestrale dont chaque matériau est directement produit en octophonie avec sa cinétique propre. Ces éléments sont ensuite assemblés et modifié dans l'environnement de composition.
Comment imaginer la musique des NBIC (nanotechnologies (N), des biotechnologies (B), l'intelligence artificielle (I) et des sciences cognitives (C)) ? Divertissement : entre angélisme des nuées et précision robotique miniaturisée, remontent les clameurs d’anciennes machines dans des usines vides, la complainte de l’industrie perdue. Vision sans jugement de valeur, juste une interrogation lancinante sur le présent et l’avenir."
Musique de Roland Cahen. Images temps réel Alexandra Radulescu.
Roland Cahen
Roland Cahen est compositeur électroacoustique, enseignant-chercheur en charge du studio sonore de l’ENSCI-Les Ateliers.
Depuis le début des années 80, ses créations explorent la Musique Cinétique ; une approche de la spatialisation sonore où, à l’image d’une chorégraphie de sons dans l’espace, la composition plastique du son et le mouvement deviennent une partie centrale de l’expression musicale, une incorporation de la musique dans l’espace et de l’espace par la musique.
Alexandra Radulescu
Alexandra Radulescu est designer média diplômée de l’ENSCI-Les Ateliers en 2016. Red Dot Design Award en 2017, elle s’oriente vers le domaine de la réalité virtuelle et les expériences vidéo interactives. Elle dirige également un studio de création en réalité virtuelle à l’ENSCI. En parallèle, en tant qu’artiste visuelle, elle développe des créations visuelles temps réel, souvent en collaboration avec des musiciens (membre de plusieurs duos pour des performances audiovisuelles interactives ; travaux en vidéo interactive live pour du théâtre).