A l’opéra derrière un poteau
Livret 6
Dans l’œuvre de Fabrice Reymond, le cinéma guette toujours : même quand l’auteur semble y avoir renoncé, il surgit, il est là, comme tapi dans un angle mort. Les films réalisés par Fabrice Reymond (Nescafer, Le Jour du retour) inventent des dispositifs qui déplacent, voire contrarient le cinéma. Les livres constituant l’ « Anabase », pour leur part, l’inscrivent dans un espace littéraire qui semble passer au premier plan et se substituer à lui.
Dans A l’opéra derrière un poteau, trois modalités d’écriture se succèdent, trois types de poèmes-partitions, qui tendent tous vers un horizon cinématographique. On peut lire la troisième et dernière partie du livre, « Jusqu’à devenir son paysage », comme une voix off : le mouvement de projection vers un film à venir se combinant à un processus de retour et de questionnement sur l’émergence d’un désir de cinéma.
Si le cinéma semble être toujours déjà la fiction qui formate nos imaginaires, il est aussi, pour son auteur, un mode d’accès privilégié à la réelle fiction de notre monde. Or, ce serait précisément par l’écriture que le cinéma retrouverait la part fictionnelle qu’on semble parfois lui avoir confisquée. La littérature lui permettrait de redevenir ce qu’il est, à savoir un dispositif mental de vision : entre horizontalité et verticalité, il définit un cadre, oriente notre regard et délimite des espaces hors-champs. Le cinéma, dans le livre, serait ce qui nous permet de revenir aux conditions-même de notre perception, d’en prendre conscience et d’en mesurer la portée politique.
A l’opéra derrière un poteau fait écho à d’autres volumes de la collection « faux raccord », qui défendent aux aussi l’idée que le cinéma serait ce qui permet à la littérature de sortir d’elle-même. Mais Fabrice Reymond va plus loin : il fait de l’expérience cinématographique, avec ou sans images, une manière de se rendre disponible au monde, une philosophie concrète de l’existence.
Fabrice Reymond
Après des études de théologie protestante, Fabrice Reymond conçoit des documentaires pour France Culture entre 1993 et 1998, puis s’engage dans l’aventure de l’art. Depuis 2008, il publie tous les deux ans le nouveau tome d’un projet intitulé « Anabase », le livre d’une vie, construit comme un musée conservant des fragments de textes patiemment consignés. L’énoncé programmatique d’ « Anabase » est le suivant : « Perdu sur le chemin du retour, on sème les indices qui dessinent la carte du présent ». En 2008, Fabrice Reymond codirige l’anthologie Art conceptuel, une entologie, Conçue comme un manifeste littéraire qui affirme la dimension littéraire et fictionnelle des énoncés conceptuels, et qui permet au texte d’excéder les styles, les genres, les formats et d’échapper à la clôture du livre.
Auteur : Fabrice Reymond
Éditeur : Post-éditions en co-édition avec TALM-éditions
Collection : faux raccord
Nombre de page : 144 + couverture
Format : 10 x 15 cm
Parution : septembre 2015
ISBN : 979-10-92616-13-2
Prix : 7 euros
Langue : français
Design graphique : Pierre Seydoux