ANNULATION
We dreamt of utopia and we woke up screaming
Conférence de Yasmina REGGAD
Conférence proposée par Tristan Trémeau, professeur TALM-Tours
We dreamt of utopia and we woke up screaming est une performance polyphonique et polyglotte qui évolue au rythme de la recherche. Son titre est inspiré du premier manifeste infraréaliste de Roberto Bolaño. S’inspirant du documentaire radio, cette performance a pour objet l’exploration de nouvelles modalités d’« exposition » ou de présentation et de mise en œuvre d’un matériau de recherche et d’archives.
Dans les années 1960 et 1970, dans le contexte des tensions bipolaires de la guerre froide, l’Algérie se trouve à l’épicentre des utopies émergeant des « périphéries ». S’inventait alors à Alger une « troisième voie » ouverte aux autres avenirs possibles alors qu’affluaient de tous les continents des représentants de mouvements de libération nationaux, des exilés politiques, des rebelles et autres militants occidentaux désabusés.
Se souvenant que la voix de la Révolution algérienne avait elle-même trouvé refuge sur les ondes radiophoniques du Caire, de Tunis, de Damas ou de Nador, le gouvernement algérien offrait en retour aux militants un temps d’antenne sur la radio nationale nouvellement créée (RTA - Radiodiffusion-télévision algérienne). Ces émissions de radio avaient pour mission de donner la parole aux luttes de libération en exil, de communiquer avec les mouvements de contestation dans les pays d’origine, ainsi que de mobiliser un soutien international.
We dreamt of utopia and we woke up screaming met en lumière certains tournants de l’histoire globale et laisse apparaître une cartographie de la mobilité d’acteurs politiques qui seraient autrement demeurés dans l’ombre. Ces « combattants de la liberté » ont contribué à l’élaboration de propositions avant-gardistes comme le « projet tiers-monde », le panarabisme, le panafricanisme, le nouvel ordre économique international ou encore le mouvement des non-alignés.
Comment les radios en exil nous informent-elles sur les activités politiques, les relations avec le pays d’accueil et les concepts de légitimité, de loyauté en dehors du cadre de l’État-nation, d’hospitalité, de pouvoir d’influence et de politique de la bienveillance ? Dans quelle mesure la radiodiffusion a-t-elle contribué à l’élaboration d’idées nouvelles, au changement politique et à la diffusion de l’information ? Comment a-t-elle façonné l’écriture de récits historiques contemporains, « transnationaux et non nationaux » ? Enfin, comment nous a-t-elle renseignés sur l’audience de ces émissions et sur la politique de solidarité façonnée par l’écoute mise en acte par ses auditeurs ?
Biographie
Yasmina Reggad est une commissaire indépendante, autrice et artiste de performance basée à Bruxelles (Belgique). Elle est diplômée d’un Master en Histoire du Moyen-Âge de La Sorbonne. Elle est co-fondatrice et actuellement curatrice de la résidence d’artistes aria (artist residency in algiers) en Algérie. Elle a précédemment travaillé à Delfina Foundation (G.-B.) et Art Dubai Projects (EAU). Yasmina Reggad est la co-commissaire du pavillon français de la 58e Biennale de Venise, représenté par l’artiste Zineb Sedira.
Ses recherches se concentrent sur le concept de futurité, mobilisent des systèmes de connaissance et modes de production artistique alternatifs, et explorent des méthodologies performatives inspirées des systèmes de notation propres à la dance et la performance.
Ces dernières années, Yasmina Reggad a développé des projets artistiques qui embrassent différents genres depuis la lecture-performance, en passant par la dance et l’intervention sonore. Cette série de performances et partitions basées sur des corpus d’archives audiovisuelles et documentaires, fonctionne comme une alternative à la pratique de l’écriture essayistique. La performance in-situ she refused to be what she was told she was (2018, The Breeder Gallery, Greece) active les œuvres sur papier de l’artiste Navine G. Khan-Dossos ; IF-THEN GOTO (2017, Art Dubai, UAE), en collaboration avec la danseuse Lana Fahmi, est une chorégraphie algorithmique composée à partir des diagrammes, instructions et archives de performances de l’artiste émirien Hassan Sharif.
Yasmina Reggad a récemment présenté les deux premiers épisodes de son dernier projet we dreamt of utopia and we woke up screaming au Kaaistudio’s (Belgique), au Jeu de Paume (France), à Tabakalera International Centre for Contemporary Culture (Espagne) et à la Biennale Warszawa (Pologne), et prochainement au Mucem dans le cadre du Festival Les rencontres à l’échelle (France). Yasmina Reggad est Fellow 2019-2020 du Sundance Institute Theatre Program.
Yasmina Reggad travaille également comme dramaturge et a collaboré avec la chorégraphe Ioanna Angelopoulou, le danseur-chorégraphe Trajal Harrell le l’artiste de performance Carlos Azeredo Mesquita.
En tant que curatrice, Yasmina Reggad a conçu des expositions, des projections, des performances, des programmes éducatifs et des conférences dans des institutions internationales comme CENTQUATREPARIS (France), Tate Modern (G.-B.), Institute of Contemporary Arts (G.-B.) et la biennale DJART (Algérie). Par ailleurs, elle publie régulièrement des essais sur l’art contemporain et la performance.
Yasmina Reggad est membre active des Headquarters of The Mouvement en Belgique.