Première bouture : 48 heures de workshop
En retraçant l’évolution des représentations des jardins de l’hortus conclusus au jardin planétaire, le workshop Première bouture propose une forme hybride entre atelier pédagogique, performance et peinture collective en prenant l'écosystème d'un jardin ordinaire comme principe de construction de la peinture.
Rendre visible des écosystèmes
Il ne s’agit pas ici d’exposer le vivant, mais de rendre visible des écosystèmes par les épreuves esthétiques des qualités sensibles de leurs constituants, lignes, fractures et relations compris comme moyens et modes de création. Le jardin, avec ses plantes, ses fleurs, ses herbes, ses arbres, ses feuillages, ses graines, ses pierres, ses allées, ses insectes, ses oiseaux, ses vers de terre, ses fontaines est envisagé comme un espace de circulation, d'égarement, de rencontre, dans le temps et dans l'espace, de la diversité des formes, des sensibilités, des météos et des idées que contient le monde.
Le jardin, c’est un tapis où le monde tout entier vient accomplir sa perfection symbolique, et le tapis, c’est une sorte de jardin mobile à travers l’espace. Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde.
Michel Foucault, "Des espaces autres", 1967
Un flux de vie pendant 48 heures
Plusieurs espaces dans l’école renvoient aux éléments constitutifs de la vie d’un jardin autant qu’à celui de la création d’une peinture dans ce qu’elles ont de pratique, d'enchanteresse et d'édifiante (besoin de manger, de ranger, d’observer, de fabriquer ses outils, de se déplacer, de rêver, d'imaginer, de parler, de lire, de créer, etc). Peintre-jardinier.e ou jardinier.e-peintre, chacun.e cultive une terre en même temps qu'iel se cultive.
Les tensions entre action et contemplation, entre poussée et dormance, entre engendrement et dépérissement, propres à la vie du jardin comme de la peinture, sont au centre de notre projet.
Plusieurs groupes d’élèves se relaient pendant 48 heures pour maintenir le flux permanent d’un jardin en mouvement entre ses différents espaces scénographiés dans le grand hall de l'école : la grainerie, l'hortus, le xyste, le compost, la cabane, le banc, etc. Ainsi y est-il donné autant de place à l’espace de la recherche, qu’à celui du songe, de la paresse, de l’observation active, de la documentation, de la discussion, des résidus, enfin de la peinture, bien sûr, au cœur.
L'initiative, la patience, le courage, la persévérance, la créativité des élèves-cultivateur.ice.s apportent la vie en même temps que le milieu, et, par leur faire ensemble, œuvrent à enrichir nos imaginaires collectifs.
Une expérience sous le regard de deux performeurs
Tout au long de cette action-création, deux performeur.ses (Florent Dégé et Boris Grzeszczak) sont invité.e.s à déambuler, à commenter en direct l'activité de jardinage, la naissance du jardin, et à interroger le devenir paysan de l'humanité, par la description et la divagation, en s'appuyant sur un corpus de textes pratique, littéraire et philosophique autour des jardins.
Le jardin s'expérimentera, s'exposera et se disséminera autant par son récit que par sa peinture.
La lassitude entière de l'heure est exprimée par la Centaurea Candidissima, feuillage pâle et mat, presque blanchi de poussière, et négligemment le même sur ses deux faces chiffonnées. Tout l'effet de la corbeille se passe entre cette plante et une autre : l'Obelia erineus, qui sèche et délicate, elle, avec ses fleurettes d'un bleu dur, va, par des interstices, de la bordure ovale se perdre vers le sommet du tertre. Ton principal : terne ; le raviver maintenant. Quelques taches, brusquement et simplement rouges et de feu, sont nécessaires : voici le Pelargonium Diogène (rouge), dont les cinq pétales, consumées et un peu défaites (sic), font aussi place à la feuille décorative du Coleus Beauté de Vilemore, vineuse et verte et comme atteinte déjà par l'automne.
Stéphane Mallarmé, La dernière mode, 1874.
À propos des intervenants :
Boris Grzeszczak
Après une enfance heureuse passée dans un kolkhoze aux alentours de Reims et des études secondaires aux arts décoratifs de Strasbourg, il arrive à Paris pour débuter une carrière bicéphale dans le monde des arts vivants et visuels. À son arrivée à Paris, il prend part à diverses expositions mais aussi à de nombreux spectacles de danse contemporaine au sein de la compagnie du Dispariteur. Cette expérience en tant qu’interprète ne l'a pas empêché de porter d'autres casquettes (de vidéaste et de scénographe) au sein de projets scéniques variés. La dernière collaboration en date se fit avec l'heure du rat dans un projet fleuve et polymorphe autour de la figure du Polichinel. Cette pratique “multisupport” subit ces dernières années un fort tropisme pour l'art vidéo et la photographie dont l'orientation septentrionale a fini par le faire atterrir sur les bancs du Fresnoy, (Studio National d'art contemporain) qu'il occupe actuellement.
Florent Dégé
Florent Dégé ne cesse de transvaser la grande casserole dans la petite : après son diplôme en graphisme aux Arts décoratifs de Strasbourg, il crée avec Boris Grzeszczak le bureau Service Client qui assura de 2014 à 2017 la direction artistique du magazine l’Officiel 1000 modèles et la création de signalétiques pour des bâtiments officiels de Champagne Ardenne. De cette pratique, en ressortira des collaborations sporadiques avec le projet Joy de Morgan Courtois, la communication de la troupe Apparente dirigée par Daisy Raynal ainsi que pour l’identité visuelle de Pauline Perplexe. Depuis 2023, avec Hill Adado Sani, ils réalisent et renouvellent les enseignes des échoppes et restaurants africains dans le quartier Château Rouge.