Séminaire Anthropocène : « La (re) configuration du monde. L’entremise pédagogique. L’école comme milieu » - séance 2
Anthropocène, usage et mésusage du monde
Séminaire ouvert à tou.te.s
Dans le cadre de la mention Design et territoire(s), Miguel Mazeri et Rachel Rajalu, professeur.e.s à TALM-Le Mans organisent depuis octobre 2019 le séminaire « Anthropocène : usage et mésusage du monde ». Ce rendez-vous se tient le dernier jeudi de chaque mois, tout au long de l’année universitaire. Le premier opus de ce séminaire, intitulé « La configuration humaine du monde. Enquête en anthropocène. Formes, supports, cadres, conducteurs et lampistes » a proposé une cartographie de la notion d’anthropocène et des enjeux qui lui sont liés. Le deuxième opus « La (re)configuration du monde. L’entremise pédagogique. L’école comme milieu » s'est ouvert lors de la séance du 25 février 2021.
SEMINAIRE « ANTHROPOCENE : USAGE ET MESUSAGE DU MONDE » OPUS 2 « LA (RE)CONFIGURATION DU MONDE.L’ENTREMISE PEDAGOGIQUE.L’ECOLE COMME MILIEU »
Cette session se déroulera en visio sur l'application microsoft teams, le jeudi 25 mars de 18 h à 20h. Miguel Mazeri, anthropologue et Rachel Rajalu, philosophe, tous deux professeur.es à l’École supérieure d’art et de design TALM-Le Mans et à l’initiative de cette programmation, ont invité :
• Philippe Boudes - Maître de conférences en sociologie de l’environnement, Agrocampus Ouest, Rennes
« Un sociologue de l’environnement en école d’ingénieur ou une approche critique de la transition dans un contexte paradoxal »
• Isabelle Fremeaux et John Jordan - Artistes activistes
« Pédagogies enracinées pour luttes essaimées »
RÉSUMÉS DES CONTRIBUTIONS ET BIOGRAPHIES DES INTERVENANTS
• Philippe Boudes
« Un sociologue de l’environnement en école d’ingénieur ou une approche critique de la transition dans un contexte paradoxal »
Dans le cadre de ce séminaire, Philippe Boudes partira de son expérience d’enseignant (et chercheur) en sociologie de l’environnement au sein d’une école d’ingénieur agronome (et d’une équipe du CNRS). Les sociologues ne sont pas au cœur des enjeux de formation des ingénieurs, et cependant ils proposent une approche critique nécessaire à la prise en charge des questions contemporaines, a fortiori celles liées à la transition écologique et sociale. Cette relative marginalité de la sociologie et des sciences humaines et sociales dans ces écoles revêt un caractère paradoxal : elle permet une certaine liberté dans les thèmes enseignés, voire dans les modalités pédagogiques, mais elle demande aux enseignants de toujours faire leur preuve dans un contexte où domine les sciences de la vie et de matière y compris dans la valorisation de l’interdisciplinarité.
Toutefois, les enjeux associés à la thématique de la transition écologique, notamment en termes de réflexivité, de rapport entre science et société, mais aussi d’engagement des individus – y compris les étudiants, ingénieurs et chercheurs – font largement écho aux travaux sociologiques sur l’environnement et les transitions (Jollivet, 2015).
Il proposera ainsi, outre une brève présentation de mon champ disciplinaire (Barbier et al., 2012) et de l’Institut Agro, de montrer comment ces trois axes (réflexivité, science/société, engagement) sont présents dans les contenus des cours, dans les travaux de terrain (très importants dans les écoles d’agronomie), dans la vie quotidienne avec les étudiants. Si l’approche critique écologique et sociale que nous valorisons avec des collègues n’est pas au cœur de la formation d’ingénieur, elle est cependant bien présente et nous pourrons discuter des aléas auxquels elle fait face, des remises en questions et de la demande, parfois insistante, de justification face à des discours légitimant davantage des logiques rationnelles, économiques et scientifiques plutôt que des approches réflexives et critiques – parfois engagées comme l’a illustré « l’appel des 1000 scientifiques » - et ouvertes sur l’avenir (Garforth, 2018).
Philippe Boudes est maître de conférences en sociologie à Agrocampus Ouest à Rennes et membre de l’UMR CNRS Espaces et Sociétés. Ses travaux s’inscrivent en sociologie de l’environnement, des sciences et des techniques, des mouvements sociaux, de l’expérience et ciblent une pluralité de thématiques relevant du champ de l’environnement. Il est notamment reconnu pour ses contributions aux travaux interdisciplinaires sur l’environnement, pour ses collaborations avec une diversité d’organisations confrontées aux enjeux sociaux de l’environnement et pour sa participation au comité d’experts de la commission nationale de déontologie et d’alerte en matière de santé et d’environnement. Ses travaux actuels portent sur les expériences de transition écologique, sur la production des futurs par les mouvements
écologiques, et sur les projets d’énergie citoyenne.
• Isabelle Fremeaux et John Jordan
« Pédagogies enracinées pour luttes essaimées »
Pour Isabelle Fremeaux et John Jordan, il n’a jamais été question de partitionner art, pédagogie, politique et vie quotidienne. Dans leur Laboratoire d’Imagination Insurrectionnelle, ateliers et expérimentations visent à rassembler artistes et activistes afin de co-créer des formes de résistance et désobéissance créatives. Lors de ce séminaire, Isabelle et John présenteront une nouvelle expérience pédagogique dans laquelle ils sont impliqués sur la zad de Notre-Dame-des-Landes. Ils revisiteront diverses inspirations pédagogiques, du Black Mountain College à Highlander Folk School en passant par le mouvement Arts and Crafts, à l’aune d’approches contemporaines, notamment dans le domaine de la biologie, afin d’explorer la constitution d’un « territoire apprenant » pour essaimer les désertions.
John Jordan est artiste activiste, « une sorte de magicien de la rébellion » selon le quotidien Libération et « extrémiste de l’intérieur » selon la police Britannique. Il a été co-directeur de Platform, un groupe d’art social de 1987 à 1995, avant de travailler avec le collectif d’action directe Reclaim The Streets (1995-2000). En 2003, il a co-dirigé le livre We Are Everywhere : the irresistible rise of global anti-capitalism [Nous sommes partout. L’irrésistible ascension de l’anticapitalisme mondial] publié par Verso. Professeur aux Beaux Arts pendant presque dix ans (1994-2003), il a quitté le monde universitaire pour travailler sur le film de Naomi Klein The Take. En 2004, il a eu l’idée ridicule de fonder la Clandestine Insurgent Rebel Clown Army [Armée des Clowns] qu’il a désertée quelques années plus tard.
Isabelle Fremeaux a grandi en France avant de partir à l’aventure à Londres, où elle a travaillé comme journaliste free lance, professeur de français et administratrice d’une compagnie de « community arts », tout en réalisant une thèse de doctorat sur le concept de communauté. Elle est devenue maître de conférences en Media et Cultural Studies à Birkbeck College-University of London (GB) où elle a exercé pendant 10 ans, avant de déserter l’Université pour respirer le vent de la liberté et du collectif. Ses domaines de prédilection sont l’éducation populaire et les dynamiques collectives, et prête ses compétences à divers collectifs, associations et institutions en tant que formatrice et consultante.
Ensemble, ils ont fondé et animent Le Laboratoire d’Imagination Insurrectionnelle, un collectif rassemblant artistes et activistes pour concevoir de nouvelles formes de résistance créative. Le LII a ainsi lancé une régate de radeaux rebelles pour bloquer une centrale à charbon, transformé des centaines de vélos en machines désobéissantes et refusé d’être censuré par la Tate Modern, sponsorisée par BP.
John et Isabelle sont également les co-auteurs du livre-film Les Sentiers de l’Utopie (La Découverte, 2011) et vivent aujourd’hui sur la zad de Notre-Dame-des-Landes.