Soutenances DNSEP Conservation-restauration des biens culturels
L’équipe pédagogique et les élèves de la mention Conservation-restauration des biens culturels spécialité oeuvres sculptées de l’École supérieure d’art et de design TALM-Tours vous convient aux soutenances du diplôme national supérieur d’expression plastique (DNSEP).
Le programme
9 h 45 – Laurie Blachet, Étude et restauration du Monstre de Soisy, Niki de Saint Phalle (1930 – 2002), vers 1966
Alliages métalliques, bois, journal, coton, laine, fibres synthétiques, peintures, matériaux plastiques, filasse, colle animale, verre, matériau cireux, animal naturalisé. Musée national d’art moderne – Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, Paris
Le Monstre de Soisy prend la forme d’un animal préhistorique chimérique dressé sur ses trois pattes arrière. Représentatif de la production plastique de Niki de Saint Phalle dans la première moitié des années 1960, il est composé d‘une structure en grillage métallique sur laquelle sont tendues des bandes de tissu et de journal encollés. Un assemblage d’éléments divers (comprenant plus de deux cent soixante jouets principalement en matières plastiques, des bombes de peinture aérosol, des bouteilles en verre emplies de peinture industrielle ou à usage domestique) est fixé sur la tête, la poitrine, le dos et la queue, par des liens de filasse, de tissu, de journal, de fil de fer, de laine, ou encore de fil à coudre ou à broder encollés. L’ensemble a été peint en blanc par l’artiste, qui a ensuite tiré au moyen d’un fusil 22 long rifle sur les bouteilles de verre et les bombes aérosol, libérant ainsi la peinture qu’elles contenaient. Les coulures et les projections de peinture, les bouteilles percées, les fragments de verre brisés ainsi que les multiples impacts de balle attestent de ce processus créatif.
Lors de son entrée en 2005 dans les collections du MNAM, Le Monstre de Soisy était fixé par la queue sur un plateau à roulettes en forme de croix latine, non d’origine. La sculpture n’est plus autoportante et bascule vers l’avant en l’absence de ce maintien. L’étude historique et technique a permis de retracer son histoire matérielle et a notamment révélé que cet état est consécutif à un choc accidentel. De plus, le système de fixation actuel n’est pas pérenne et provoque de nouvelles altérations. Ainsi, le travail de conservation-restauration s’est orienté en priorité sur le problème immédiat de l’altération structurelle, qui menaçait de faire effondrer l’œuvre si aucune intervention n’était entreprise. Il a visé à rétablir la stabilité de la sculpture, de même que son autonomie dans l’espace, au moyen d’un soclage adapté. Les altérations évolutives de la peinture et des matériaux plastiques, locales, ont été également traitées. La variété des matériaux en présence et leurs sensibilités diverses, parfois opposées, participent de la fragilité de l’œuvre et nécessitent parfois la recherche de compromis.
10 h 35 – Cécile Boully, Étude et restauration d'un relief aux miroirs, L'Immaculée Conception, Espagne, fin XVIIe – début XVIIIe siècle
Bois (pin) polychromé et doré, verre, éléments métalliques, fibres naturelles
Musée Goya - Musée d'art hispanique, Castres
L’étude et la restauration portent sur une œuvre composée de plusieurs éléments associés les uns aux autres : un relief représentant la Vierge de l’Immaculée Conception entourée d'une nuée composée de chérubins, un fond conçu à partir de douze éléments de miroirs et un cadre décoratif richement sculpté.
Au XIXe siècle, l'œuvre appartenait à Paul Jules Audéoud (1836-1885), ingénieur des mines, banquier et collectionneur. Elle a été donnée en 1885 au musée de Cluny (Inv. CL 11190) par Jacques Théodore Audéoud (1819-1899) en mémoire de son fils, décédé à l’âge de 48 ans. Après un passage au musée d’Écouen entre 1977 et 2001, elle rejoint, sous la forme d’un dépôt, le musée de Castres, réputé pour ses collections espagnoles (Inv. D 2001-4-5). L’étude iconographique et l'étude historique établie à partir d’une documentation lacunaire permettent de confirmer la provenance géographique et de préciser la datation au tournant du XVIIe et du XVIIIe siècle. Les éléments de miroir et le cadre ne sont pas d'origine bien que ce dernier semble dater de la même époque.
Ces remaniements successifs ainsi que les différentes interventions sur la couche picturale et la dorure montrent l’intérêt qui a été porté à cette œuvre dans le passé. L’objectif de la restauration a été de faciliter la lecture visuelle de l’œuvre et de stabiliser les altérations évolutives tout en tenant compte des interventions passées. La restauration a cherché à rendre la lisibilité et l'éclat à une œuvre dont l’aspect spectaculaire a pu jouer un rôle dans la diffusion de la croyance en l’Immaculée Conception.
11 h 25 – Théophile Doucet
Étude et restauration de deux modèles réduits d’ateliers, Modèle d’atelier de bijoutier (vers 1840, Inv. 18942), Modèle d’atelier de serrurier (fin XIXe siècle, Inv. C-2018)
Bois, papier, verre, cuir, alliages ferreux, alliages cuivreux, calcaire, polychromie
Musée des arts et métiers – Conservatoire national des arts et métiers, Paris
L’étude et la restauration portent sur deux modèles réduits conservés au Musée des arts et métiers. Ces modèles d’atelier proviennent de deux collections privées différentes, l’un date du milieu du XIXe siècle et l’autre de la fin du siècle. Leur origine les distingue des collections techniques et industrielles du Conservatoire, car ils sont issus d’une fabrication amateur. Les recherches généalogiques sur l’un des fabricants ont abouti à retrouver le nom de Louis-Paul Pépin, bijoutier installé dans Paris entre 1820 et 1860. Ces objets constituent des témoins rares de métiers manuels, qui connaissent, au siècle de l’industrialisation, une révolution des moyens techniques et un bouleversement des pratiques.
Dans un cadre architecturé miniature, vitré, l’intérieur des ateliers est agencé avec fidélité à celui d’un praticien avec son établi, sa forge et ses outils. Les comparaisons avec les planches de l’Encyclopédie : dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (éditée de 1751 à 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert) et les manuels techniques de l’éditeur Nicolas-Edme Roret, publiés entre 1822 et 1939, permettent de situer ces équipements historiquement. Plusieurs outils de réemploi (des étaux de précision) ont été intégrés au modèle et sont issus du contexte technique de sa fabrication dont ils ont été détournés.
Ces modèles, comme de nombreuses maquettes, se caractérisent par la diversité des matériaux constitutifs, des modes de fabrication et d’assemblages. Ces combinaisons s’avèrent complexes du point de vue de la conservation. L’étude consistait donc à mener un inventaire des matières et des objets représentés, à établir le diagnostic de leur état et à proposer des conditions de conservation requises pour l’ensemble. Plusieurs altérations actives majeures ont été traitées au cours du mémoire. La vitrine de l’atelier de bijoutier (inv. 18942) présentait des faiblesses structurelles et des ruptures de collages. Celles-ci ont nécessité d’établir des solutions de renfort et de collages adaptées à des éléments porteurs fragiles. L’atelier de serrurier (inv. C-2018), longtemps conservé dans un hall donnant sur rue à l’Institut national de la propriété intellectuelle, a subi une infestation d’insectes xylophages, d’importants soulèvements de polychromie, l’oxydation des métaux ferreux et cuivreux et l’hydrolyse des cuirs qui a généré un phénomène de repousses grasses sur l’épiderme.
14 h 00 – Hela Djobbi-Drissi
Étude et restauration d’une sculpture romaine en marbre blanc, Hercule C.943, Carthage II-IIIe siècle
Marbre, Musée national du Bardo, Tunis, Tunisie (Inv. C.943)
La sculpture colossale de l’Hercule a été découverte, dans un état fragmentaire, en 1904 par Paul Gauckler (1866-1911), archéologue français et directeur du service des Antiquités de Tunis (1896 -1905) lors des fouilles du théâtre de Carthage. L’étude historique a permis de redécouvrir les archives de la mission menée par Paul Gauckler, actuellement conservées dans le fonds Poinssot acquis par l’Institut national d’histoire de l’art en 2005. Plusieurs photographies inédites nous apportent un éclairage précieux sur l’œuvre.
Un premier fragment principal constituant le torse est conservé de la cassure du cou jusqu’au genou gauche. La jambe droite a été trouvée en dix-huit fragments. L’Hercule a fait l’objet de plusieurs interventions entre 1904 et 1910, date estimée de son entrée dans les collections du musée national du Bardo à Tunis. À l’occasion de la rénovation du musée national du Bardo en 2009, la majorité des sculptures de la salle de Carthage ont été déposées. C’est lors de cette intervention que la jambe droite de l’Hercule s’est désolidarisée du torse. L’objectif principal des interventions entreprises dans le cadre du diplôme est de redonner à la sculpture un équilibre et une stabilité nécessaires à son exposition de nouveau tout en mettant en avant son statut archéologique. L’étude menée a révélé plusieurs défaillances d’ordre structurel et esthétique engendrées par certaines interventions anciennes. Le poids important du torse (411kg) reposant sur la jambe droite fragmentaire a non seulement modifié la position classique iconographique de l’Hercule, mais a probablement participé aussi à la fissuration de quelques fragments, qui de plus étaient mal collés. Le décalage résultant du mauvais positionnement des fragments a été dissimulé à l’époque par un bouchage en plâtre appliqué, parfois, sur la surface polie du marbre. Pour toutes ces raisons, le démontage de la jambe droite a été jugé nécessaire pour assurer une meilleure conservation des fragments. Leur remontage a été conçu de sorte à ne plus représenter une surface d’appui pour le torse.
14 h 50 – Slim Drissi,
Étude et restauration d’une statue antique en marbre blanc, Jupiter Capitolin, Carthage IIIe siècle
Marbre, Musée national du Bardo, Tunis, Tunisie (Inv. C921)
Les fouilles de l’Odéon de Carthage, entreprises par Paul Gauckler (1866-1911) en 1900, aboutissent à la découverte de dix-sept sculptures exhumées de deux citernes sous la scène. Parmi elles, se trouvait une statue colossale représentant Jupiter Capitolin (Inv. C921).
Découverte dans un état fragmentaire, la sculpture constituée de plusieurs éléments réemployés et de marbres différents, a été restaurée une première fois afin de rejoindre la collection de la salle de Carthage du Musée national du Bardo. La modification ultérieure de la position du bras droit atteste d’une deuxième restauration.
Différentes altérations de structure, mettant en péril la sécurité de l’œuvre et du public, sont les conséquences directes des anciennes interventions, des manques importants de matière, et des systèmes de montage originaux fortement altérés. En effet, la proéminence de la plupart des éléments rapportés et leur poids conséquent exercent de fortes contraintes sur des zones fragilisées. Le vieillissement des matériaux anciennement utilisés pour le maintien de ces derniers, accentuent ces défaillances.
D’autre part, l’utilisation excessive de plâtre, le manque de soin apporté à la finition et l’empoussièrement important de la surface gênent considérablement la lisibilité des volumes et cachent une grande partie de la surface originale.
L’intervention de conservation-restauration, consiste donc à assurer la pérennité de la sculpture en réalisant de nouveaux systèmes de montage fiables, à retrouver une position plus fidèle à l’iconographique tel qu’elle était lors de sa découverte et à lui redonner une unité esthétique nécessaire à une meilleure appréciation des volumes.
15 h 40 – Clémence Poirier
Étude et restauration de trois masques de spectacle Kwagh Hir, peuple Tiv, Nigéria Masques de spectacle Kwagh Hir, peuple Tiv, Nigéria : Daageveanyi « L’esprit puissant » ; Daageveanyi « Femme mangée par un serpent » ; Imbor Jov « Grand masque justicier et punisseur » Nigéria, État du Bénoué, village Timeteke (?), Peuple Tiv, fin des années 1990 - 2000
Bois, peintures industrielles, plastiques, textiles et métaux, Centre de documentation sur les spectacles du monde du Centre français du patrimoine culturel immatériel, Maison des Cultures du Monde, Vitré (Ille-et-Vilaine).
Le Kwagh Hir, littéralement « chose magique » est une forme dramatique du peuple Tiv encore vivante dans l’État du Benue au Nigéria. Joué de nuit au cœur des villages en une succession de saynètes, il présente une troupe constituée d’esprits monstrueux et vengeurs incarnés dans des masques dansant aux sons de tambours, de cloches, de hautbois et de chants responsoriaux. Cette pratique culturelle et sociale nourrie par les problématiques contemporaines s’adapte perpétuellement grâce à un discours didactique aux symboles aussi bien imaginé pour divertir que pour faire effrayer. Ces masques constituent en eux-mêmes le témoignage matériel d’un système socio-culturel relevant de pratiques et de traditions orales spécifiques au peuple Tiv et à chaque village. Ainsi, s’exprime à travers le spectaculaire la représentation de l’identité d’une culture et d’une société à un moment précis de son histoire.
Le spectacle auquel ils prenaient part fut présenté lors du Ve Festival de l’Imaginaire tenu à Vitré en février 2001, et à la suite duquel ces trois masques ont été acquis par la Maison des Cultures du Monde.
Ces masques témoignent dans leur conception et dans leur fabrication, d’un savoir-faire artisanal ainsi que d’un rapport à la reconversion d’objets industriels issus, pour certains, de la récupération. Bien que liés à leur contexte festif d’origine dont témoignent la documentation et les « traces d’usage », ces objets ethnographiques du spectacle pour lequel ils ont été conçus, ont acquis avec l’entrée dans la collection une certaine autonomie vis-à-vis de leur fonction première pour devenir des « objets témoins » au sein d’une institution consacrée au patrimoine immatériel.
La prise en conscience des différences de contexte, de culture, d’appréhension et de regard est la première donnée à prendre en compte pour aborder la restauration afin de préserver leur authenticité et leur historicité. La seconde question essentielle relative à ce type d’objet est la prudence à apporter dans l’étude des altérations : il s’agit d’établir autant que possible la distinction entre altérations d’usure et marques d’usage, résidus factuels et tangibles de la dimension immatérielle intrinsèque à l’objet.