Mel Bochner : On Translation
Dans le cadre du programme de recherche Art by Translation.
Colloque le vendredi 6 décembre 2019, de 14 h 00 à 20 h 00
Séminaire le samedi 7 décembre 2019, de 14 h 00 à 20 h 00
Centre Georges Pompidou, Paris
Conçu et organisé par Sébastien Pluot, professeur à TALM-Angers, Art by Translation (TALM et ENSAPC) et la Bibliothèque Kandinsky, en collaboration avec la Maison des Sciences de l’Homme, l’École Normale Supérieure de Paris-Saclay, département design. Avec le soutien de la Terra Foundation for American Art.
Figure centrale de la scène artistique contemporaine, Mel Bochner s’est distingué depuis le milieu des années 1960 autant par ses œuvres que par ses textes critiques - à la fois génératifs et disruptifs - à l’égard des discours entourant l’art minimal, l’art conceptuel, l’expressionnisme abstrait et la critique institutionnelle. Depuis 1966, ses œuvres déploient des spéculations formelles et théoriques sur le langage et la question de la signification, qui engagent de multiples procédures de traduction autant interlinguistiques qu’intersémiotiques. Ce colloque sera l’occasion pour des historien.n.e.s de l’art et philosophes d’ouvrir de nouvelles perspectives d’analyse du travail de Mel Bochner à travers une prise en compte des dimensions théoriques, esthétiques et idéologiques de la traduction.
Examiner la manière dont Bochner utilise le langage et la traduction permet de le situer dans le débat qui oppose structuralisme et phénoménologie d'un côté et de l'autre, la philosophie analytique et le poststructuralisme. Les positions de Mel Bochner ont également été déterminantes dans les controverses qui ont ponctué le développement de l'art conceptuel. En effet, à un moment charnière du développement du conceptualisme, une constellation d’œuvres de Mel Bochner soulève de manière très spécifique de nombreuses questions en contraste avec certaines conceptions du conceptualisme, notamment concernant le statut de l'auteur, la dimension éthique de la délégation, les relations entre sens et signification, l'utilisation de la technologie, la reconfiguration de l'ontologie de l'objet d’art et les opérations linguistiques qui, selon lui, sont indissociables des contextes dans lesquels elles ont lieu. La manière dont Bochner brouille les limites entre les arts visuels et les domaines théoriques représente un défi en soi pour les questions de traduction. En effet, sa pratique dépasse le modèle qui voudrait que les œuvres soient traductibles en théorie et inversement. Ses œuvres composent plutôt une théorie sur et par la traduction ayant recours simultanément à des textes et des formes plastiques que ce colloque propose d’examiner.
Avant d’arriver à New York en 1964, Bochner a étudié un an la philosophie à l’Université de Northwestern. L’esprit d’investigation intellectuelle auquel il a été exposé a profondément marqué son œuvre à venir. Son travail est ainsi jalonné de références à la philosophie – en particulier Barthes ou Wittgenstein – et sa curiosité l’a poussé à explorer de manière critique les visées, les méthodes, les mythologies et les croyances produites par de nombreux autres domaines que les arts visuels : la science, la technologie, la logique mathématique, la littérature, le cinéma et la linguistique.
Toute une série d’œuvres produites depuis le milieu des années 1960 engagent des processus de traduction qui ont pour point commun de mettre en scène les défaillances structurelles du langage à transmettre des significations et de la science à représenter des phénomènes. Aussi, les théories de la traduction et du langage - principalement celles de Friedrich Schleiermacher, Walter Benjamin, Roland Barthes, Paul de Man ou Jacques Derrida - nous semblent essentielles pour aborder son œuvre. Cela nous permettra d’examiner ce qui, dans son approche, relève de dimensions idéologique et esthétiques fondamentales et en contraste, voire en opposition avec les discours dominants de la philosophie analytique et de la cybernétique, qui remportaient déjà de nombreux succès dans l’art, le design, la musique et l’architecture. Discours dominant non seulement à cette époque mais surtout aujourd’hui. L'accueil critique réservé à l'œuvre de Mel Bochner ne peut être plus prolifique et prestigieux qu’il ne l’est, mais il demeure pourtant insuffisant. L'objectif de ce colloque est d'apporter une contribution importante aux travaux de Mel Bochner par les moyens de l’histoire de l’art, la philosophie et de la littérature comparée par le prisme des théories de la traduction. Il propose d'ajouter de nouvelles interprétations de son travail, qui mettront en évidence la proximité des positions idéologiques de Mel Bochner à l'égard du langage avec celles du poststructuralisme et, en particulier, sa coïncidence avec la déconstruction du logocentrisme.
Ces questions nous semblent aujourd'hui très pertinentes et constructives dans un contexte où les technologies de traduction, augmentés par les algorithmes, sont omniprésents et configurent comme jamais nos environnements sociaux, culturels, économiques et politiques.