Fin de résidence pour Gabriel Grillot
C'est dans son futur ex-atelier que Gabriel Grillot, 24 ans, nous donne rendez-vous pour échanger sur sa résidence post-diplôme à TALM-Le Mans.
C'est un lieu calme, presque paisible. Le dernier étage de ce bâtiment construit en 1939, devenu "maison des projets" de la ville du Mans en 2019 est baigné de lumière. On saisit à peine le bruit des pelleteuses qui s'activent en contrebas.
Gabriel Grillot nous reçoit dans l'atelier qu'il occupe depuis bientôt six mois. 40 m² orienté plein sud, "assez luxueux" reconnait-il, pour un tout jeune artiste diplômé en 2023 du DNSEP Art de TALM-Le Mans. Les toiles posées contre les murs, qu'on imagine blancs à une époque révolue et parfois recouverts de croquis, témoignent de l'effervescence du peintre.
Tout va très vite
Natif de la campagne tourangelle, Gabriel Grillot a véritablement développé son intérêt pour l'art au lycée. Inscrit aux cours publics de TALM-Tours puis dans l'option art de son lycée, il se constitue en terminale un petit bagage pour préparer le concours d'entrée : "j'ai commencé à faire de plus en plus d'expositions parce que je n'avais aucune connaissance en histoire de l'art".
Une fois admis, il effectue ses cinq années* au Mans puis enchaîne avec une résidence dans cet atelier, annexe de l'École dédiée à la peinture, dans la cadre du programme Les Affluentes de TALM**. Une étape importante dans son cheminement personnel :
"Je ne me sentais pas vraiment prêt pour me lancer vers l'inconnu, partir dans une nouvelle ville sans attache. Et ce point d'attache que j'ai trouvé ici me permet de partir autre part [...] mais c'est passé trop vite !"
Un deuxième chez soi
Les accrochages éparpillés, les restes d'adhésifs, les giclées de peinture sont aussi la trace d'une appropriation du lieu, des marques parfois indélébiles qui ne disparaîtront qu'à la condition d'être elles-mêmes recouvertes d'une nouvelle couche de peinture.
C'est un lieu d'intimité : "Il y a des jours où je ne voyais personne. Le travail d'atelier est assez solitaire mais je m'éclate. J'ai besoin d'être seul pour ne pas avoir de retour critique tout de suite sur ce que je peux faire, et avoir une certaine liberté. L'atelier c'est très intime, on est corps et âme dans ce qu'on fait
L'attache du jeune artiste pour ce lieu, dévoilée pudiquement et d'un air presque détaché
est forte :
"C'est ma seconde maison si ce n'est la première. Quand je n'y suis pas, je me dis que je loupe un truc, il faut que j'y retourne, c'est un peu une obsession".
Accueillir et partager
Cet espace intime, Gabriel Grillot le pense aussi comme un lieu d'ouverture et de partage. En six mois, il y a organisé deux expositions, Astroboggan et Pololop, réunissant de jeunes artistes d'horizons variés.
Restaurer la salle d'accrochage (en face de son atelier), préparer les éléments de communication, penser la scénographie, recevoir le public... autant d'étapes incontournables mais aussi "très formatrices et positives" selon lui.
Ces expériences, partagées à chaque fois avec un co-commissaire invité, ont aussi permis de "dynamiser ce dernier étage de La Fabrique***", qui s'anime rarement en dehors des heures de cours de peinture, et de "réunir un public local".
Le Paris de la suite
Dans quelques jours, Gabriel Grillot devra rendre les clés de son atelier : "c'est de nouveau l'incertitude, le confort que j'avais ici pendant six mois va s'arrêter".
À la question de savoir s'il a gagné en maturité, il sourit : "En six mois...". Inquiet pour la suite ? Plutôt lucide sur les étapes à venir : "Je suis encore très invisible dans le monde de l'art mais j'ai l'objectif de travailler dans ce milieu".
En septembre prochain, il souhaite s'installer partiellement à Paris, rencontrer des galeristes, découvrir des expositions et se constituer un réseau. Surtout, il n'attendra pas pour faire connaître son travail et celui de ses jeunes pairs, confrontés aux mêmes défis : "Nous ne devons pas attendre d'être exposés mais devons créer nos propres opportunités [...] pour cela j'ai envie de réunir de jeunes artistes et d'organiser des événements".
Une page se tourne avec le Mans ? Non. Alors que ce n'était pas son premier choix, son expérience dans cette ville et cette école est pour lui "très positif". À la fin de notre rencontre, ses pensées se tournent autant vers l'avenir que ses cinq dernières années : "Je me suis construit, j'ai beaucoup évolué depuis ma première année ici [...] J'en suis très heureux. Aujourd'hui je me dis que rien n'est impossible".
Adham Bnibourk
TALM-Le Mans communication
*L'École supérieure d'art et de design TALM délivre au terme de 3 ans d'études un DNA (Diplôme National d'Art) valant grade de licence (Bac+3), c'est le cycle 1. Il est possible de poursuivre en cycle 2 (deux ans) et de valider un DNSEP (Diplôme National Supérieur d'Expression Plastique) valant grade de master (Bac+5).
**Les Affluentes est un programme de résidence proposé par l'École supérieure d'art et de design TALM et soutenu par le ministère de la Culture.
*** La Fabrique - rêves de ville est "un lieu d’information et d’échange autour des thèmes qui touchent à la transformation du territoire, comme l'architecture, l'urbanisme, le développement durable et le paysage". Cet établissement est situé au 5, boulevard Anatole–France, au Mans. Le dernier étage est mis à la disposition de TALM-Le Mans pour les cours de peinture.