Performances, dépaysements, réparations
Cycle de conférence le cadre du projet de recherche « Tempêtes », soutenu par le Ministère de la culture
Cycle de conférences ouvert à tou.te.s
Dans le cadre de l’axe 2 du projet de recherche « Tempêtes », soutenu par le Ministère de la culture, Rachel Rajalu et Rodolphe Alexis, professeur.e.s à TALM-Le Mans organisent le cycle de conférences Performances, dépaysements, réparations. Sous la forme d'une visio-conférence le premier volet « Cheminer avec les êtres de nature » aura lieu mercredi 10 février 2021 de 17h à 20h.
Performances, dépaysements, réparations
Il s’agira dans ce premier volet du cycle de conférences « Performances, dépaysements, réparations » d’examiner les pouvoirs réparateurs de la performance artistique du point de vue du renouvellement de nos relations aux êtres de nature.
Signes de l’adoption d’une ontologie naturaliste (Philippe Descola) par les occidentaux au cours de la modernité – une ontologie qui sépare l’humain du non-humain, la culture de la nature –, nos rapports au vivant non-humain sont bien souvent distanciés, hiérarchisés et d’ordre instrumental. Le « nouveau régime climatique » (Bruno Latour) auquel nous soumet l’ère de l’anthropocène (Paul Crutzen) atteint les êtres de nature dans leur capacité à persévérer dans leur être (en tant qu’individu et en tant qu’espèce). L’écocide auquel nous sommes confrontés oblige à ne plus concevoir ces êtres comme des choses dont nous pouvons disposer et à repenser nos liens, dans un objectif de protection d’abord et dans un élan plus large de cohabitation éthique et politique (Baptiste Morizot) ensuite. En tant qu’art de l’éphémère, art du corps vivant, activant des protocoles expérimentaux, la performance semble constituer un terrain de jeu symbolique précieux en contexte de décompositions des mondes (RoseLee Goldberg).
En quoi et comment la pratique performative, en explorant nos relations au vivant, met à l’épreuve nos puissances sensibles, imaginaires et créatives, dans le but de reprendre contact avec l’expérience du vivant ? En quoi l’art de la performance permet de dessiner des alternatives à des situations d’écocides qui semblent sans issues ? En quoi cette activité artistique peut-elle nous aider à refaire paysage commun ?
Programme :
17h – Introduction – Rachel Rajalu – Docteure en esthétique et professeure d’enseignement artistique spécialités théorie de l’art et philosophie à l’Esad TALM-Le Mans
17h15 – Nicolas Lainé – Docteur en ethnologie et chercheur postdoctoral à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) au sein de l’UMR Paloc (Patrimoines locaux, environnement au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris).
« Créer l’attachement et le maintenir : La relation homme-éléphant en Asie »
Résumé : L'intervention porte sur la manière dont les Khamti du Nord-Est indien créent un lien d’attachement avec le monde vivant, ici les éléphants, et le maintiennent sur le long terme. Pour cela l'intervenant présentera deux étapes nécessaires à la formation de communautés hybrides entre les Khamti et les éléphants : la socialisation et la capture d’éléphant sauvages. En décrivant le processus au travers duquel un éléphant de forêt est transformé en éléphant de village, sera d’abord mis en lumière le rôle de la musique, élément essentiel pour entrer en interaction avec l’animal sauvage. La description des deux étapes de ce processus soulignera également le rôle de congénères (les éléphants de village adultes) pour guider l'animal et l'aider à intérioriser les commandes et ses nouvelles conditions d’existence à travers un processus d'imitation passif. Concernant les opérations de capture, Nicolas Lainé parlera des interactions aussi bien pratiques que symboliques de ces mêmes éléphants de village avec les hommes et les éléphants de forêt, mais aussi avec un ensemble d’entités invisibles telles que les esprits ou divinités présents au village et en forêt. Ces deux aspects, constitutifs des communautés hybrides homme-éléphant, ouvriront un ensemble de réflexions sur l’existence d’une culture éléphantine propre aux éléphants de village, ou sur le choix de la non-domestication des éléphants par les populations locales d’Asie.
Nicolas Lainé est chercheur postdoctoral à l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) au sein de l’UMR Paloc (Patrimoines locaux, environnement au Muséum national d’histoire naturelle, à Paris). Il est membre du réseau thématique international multidisciplinaire « Biodiversité, santé et sociétés en Asie du Sud-Est », soutenu par le CNRS-InEE et est membre expert du groupe de spécialistes de l'éléphant d'Asie de la CSE (Commission de survie des espèces) de l'UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). Ses recherches portent sur les relations homme-animal en Asie, les liens entre diversité bioculturelle et santé, et la décolonisation des sciences.
17h45 – Marion Duquerroy - Docteure en histoire de l'art contemporain et maîtresse de conférences à l’Université Catholique de l’Ouest à Angers.
« Action animale ou actionner l’animal ? Du geste de la bête à la performance »
Résumé : Si les relations qu’entretiennent l‘homme et l’animal sont riches, complexes et protéiformes, la fascination qu’exerce ce dernier sur l’artiste depuis la jonction du Bas Moyen Âge avec la Renaissance n’a jamais cessé. Taxinomié, naturalisé, observé, captivé, l’animal fut modèle pour le peintre comme le sculpteur entre autres, parfois jusqu’à devenir son double. Souvent ramené en studio ou saisi à partir de sketches, croquis ou photographies, il entre (trop) souvent dans le champ humain. L’art contemporain n’est pas en reste embarquant l’animal vivant parfois dans le musée, le désignant objet de monstration, voire performeur questionnant sans cesse par sa présence même les porosités entre nature et culture. Mais que penser des pratiques impliquant l’artiste sur le territoire animal ? Le duo Olly et Suzy on fait de cette conversation avec le sauvage leur unique quête. À la fois voyageur, amateur et « actionneur », le binôme britannique ficèle des situations dans lesquelles l’animal aura la dernière morsure, griffure, déjection. C’est aussi in situ que Greta Alfaro filme des vautours dévorant le buffet qu’elle a dressé expressément pour eux (In ictu oculi, 2009). Art ou rituel, geste ou performance, nous tenterons de penser ces actions au prisme de l'art et d’interroger leurs valeurs performatives.
Marion Duquerroy est docteure en histoire de l'art contemporain. Après avoir soutenu une thèse sur l'idée de nature dans l'art contemporain britannique à partir des années 1980 à l'Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne, elle obtient une bourse postdoctorale LabexCap sous la double tutelle Paris/INHA. Elle y développera ses recherches sur les ruines industrielles et l'influence des séries télévisées sur la production contemporaine. Travaillant sur la thématique art/nature depuis plus de 10 ans elle développe deux axes principaux de recherche : le paysage et l'animal. Elle a communiqué et publié largement sur ces sujets. Lors de ces trois années passées à Hanoï, elle s'intéresse aux artistes de la diaspora vietnamienne, aux rapports qu'entretiennent corps, mémoire et paysage et sera missionnée pour travailler avec l'artiste Thu-Van Tran lors de son exposition à Hanoï (VCCA) en 2019. Elle dirigera le numéro hors-série éponyme aux Editions Beaux-Arts. Elle a enseigné au sein de plusieurs universités françaises et étrangères avant d'être nommée Maitresse de conférences à l'UCO, Angers.
18h15 – Rodolphe Alexis - Créateur sonore et professeur d’enseignement artistique spécialité design sonore à l’Esad TALM-Le Mans
« Faire peau neuve »
Résumé : « Si l’histoire commence avec l’écriture, il est temps qu’elle intègre les signes que la nature écrit depuis des millénaires » nous dit Michel Serres. Lire le cosmos est une inscription dans la porosité sémiotique des centres d’intentionnalités des autres que soi, qui diffèrent, dans la multiplicité du vivant, selon des trajectoires, des aptitudes et des sensorialités particulières. Pour Baptiste Morizot l’enquête archaïque du pisteur est « l’art de partager des signes » où le pisteur est à son tour pisté, impliqué dans une démarche perspectiviste. La pratique de l’enregistrement de terrain et à plus forte raison lorsque celui-ci porte sur la phonographie des voix animales, participe de cette même « excitation solennelle, silencieuse, immémoriale » qui implique l’approche et la collaboration, jusqu’à trouver un terrain d’entente avec l’entour. Composer l’écoute serait en quelque sorte un acte de territorialisation, une façon de faire peau neuve, non pas tant de se changer soi-même que de renouveler son expressivité au monde. Dès lors, comment faire parvenir cette tension du corps et de l’esprit jusque dans l’espace de la performance ? Comment amener dans un ici et maintenant collectif d'autres dimensions attentionnelles ? A travers l’exemple d’une collaboration avec le chorégraphe Brésilien Eduardo Fukushima pour son solo Titulo em Suspensão qui utilise en direct des sons concrets faisant varier les échelles et les temporalités nous tenterons de déceler quelques indices et possibilités de se rendre indisponibles.
Rodolphe Alexis est créateur sonore et enseigne le design sonore à l’Esad TALM-Le Mans. Sa pratique touche au phénomène sonore et vibratoire sous une pluralité de formes telles que l’installation, la composition, la performance et la radiophonie. En tant que concepteur sonore et preneur de son il collabore régulièrement avec les arts visuels, de l’espace et du mouvement ainsi qu’avec de nombreuses structures, entreprises et institutions. Artiste associé du Collectif MU, il coordonne la création de la plateforme de réalité augmentée audio SoundWays et contribue régulièrement à des projets muséographiques et des applications sonores géolocalisées. Fondateur associé des éditions Double-Entendre -Vibrö, il intervient également au sein du duo électroacoustique OttoannA et dans le projet hybride Winds Doors Poplars. Enfin, il développe une pratique personnelle de la phonographie et du field recording pour laquelle il a été deux fois lauréat du Programme Hors les Murs de l’Institut Français.
18h45 – Abraham Poincheval – Artiste performeur
« 10 février 2021 – 17h »
Résumé : Abraham Poincheval présentera sa démarche artistique dans les liens qu’elle établit avec le monde animal, notamment au travers d’expérimentations temporelles.
Abraham Poincheval (né en 1972 à Alençon, vit à Marseille) est un explorateur insatiable. Qu'il s'agisse de traverser les Alpes en poussant une capsule qui lui sert d'abri ou de s'enfermer une semaine dans un rocher, ses expéditions – itinérantes ou statiques – nécessitent un engagement total du corps. Les sculptures habitables que l'artiste conçoit sont des laboratoires au moyen desquels il fait l'expérience du temps, de l'enfermement ou de l'immobilité. Elles sont l'enveloppe qui accueille le performeur, l'objet qui perturbe le paysage et qui existe à travers les récits des témoins. Les œuvres et performances d'Abraham Poincheval font régulièrement l'objet d'expositions et d'invitations en France et à l'international. En 2017, le Palais de Tokyo l'invite pour une exposition personnelle durant laquelle deux nouvelles performances le conduisent à expérimenter les temporalités des règnes animal et minéral (Pierre et OEuf). Le musée de la Chasse et de la Nature, Paris (FR), l'Institut d'art contemporain - IAC, Villeurbanne (FR), La Criée, centre d'art contemporain, Rennes (FR), le MAC VAL, Vitry-sur-Seine (FR) et Le Frac Paca, Marseille (FR) entre autres, lui ont récemment consacré des expositions personnelles. En 2019, il participe à la15ème Biennale de Lyon (FR) où est projeté pour la première fois son film Walk on Clouds. Ses oeuvres sont conservées dans les collections du Centre national des arts plastiques - CNAP, Paris (FR), du Musée-Forum de l'Aurignacien, Aurignac (FR), du MAC VAL, Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine (FR), du Musée d'art du Valais, Sion (CH) et des FRACs Corse, Franche-Comté, Limousin, Occitanie et PACA (FR).
En partenariat avec l'Espal Les Quinconces ; EHESS ; UCO ; ESAM Caen Cherbourg.